18 août 2023

Québec nucléaire

En temps de crise, on nous fera toujours miroiter le nucléaire comme solution. Comme un t-shirt de Friends au rayon d’un Winners ou l’aspic que revisite Ricardo, on tentera encore et toujours de nous vendre le projet nucléaire dans un nouvel enrobage sucré. L’énergie nucléaire est une manne pour l’industrie car elle profite d’investissements publics colossaux. Déjà, la production d’énergie nucléaire dépend d’autres types d’énergie – combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) et électrique. Elle entraîne en plus une chaîne de contamination radioactive lorsqu’elle n’est pas carrément à l’origine de catastrophes écocidaires. Aussi bien la présenter sous sa forme fantasmée d’un présent parfait et d’un futur meilleur. Car avec la pollution et la contamination durables du processus d’extraction du minerai d’uranium jusqu’au dangereux transport des déchets dans des dépotoirs de plus en plus volumineux et ingérables, l’énergie nucléaire fait partie de la crise climatique dans laquelle nous sommes irrémédiablement plongé˙es, une crise provoquée, sans surprise, par les États nucléarisés eux-mêmes.

C’est donc sans surprise que je prends connaissance depuis quelques jours de l’intérêt renouvelé du gouvernement du Québec pour l’énergie nucléaire. Sans surprise parce que la Coalition Avenir Québec se cherche un avenir, soit une vision et des investisseurs, et que l’énergie nucléaire – historiquement appelée atomique – est la promesse politique par excellence animant les sociétés industrielles et post-industrielles depuis 100 ans. Ce que témoigne le gouvernement depuis la bouche du ministre Fritzgibbon n’est rien moins qu’une réactivation de l’archétype de la puissance dans le récit national contemporain post-1945 : le control de l’énergie comme figure du pouvoir. En bon comptable-banquier-politicien pragmatique, il tente sans surprise de nous convaincre qu’il est raisonnable d’opter pour le nucléaire, une forme d’énergie fiable par sa promesse de futur radieux. Pour l’heure, la seule fiabilité de cette énergie à haut risque est dans la promesse qu’on lui prête et non dans la réalité autrement plus sombre de ses débâcles. La catastrophe de Fukushima, rappelons-nous, est toujours en cours. C’est d’ailleurs le souci premier de Fritzgibbon lorsqu’il annonce comme s’il s’agissait d’un one-man-show qu’« il y a(ura) un travail de communication à faire » (La Presse, 14 août 2023). Reconnaît-il ainsi candidement l’enjeu de toute gouvernance catastrophique : devoir rendre acceptable une énergie dont la pollution radioactive et l’augmentation des taux de cancers est une certitude, accident ou pas. Les stratèges en gestion du risque ont de longs jours devant eux.

La gouvernance par les relations publiques n’est pas un phénomène nouveau et le nucléaire pose à cet effet un défi de taille. Comme la cigarette, le nucléaire revient gréé de vieux habits neufs en se faisant passer pour une nouvelle nécessité technologique presque sans risque – sans boucane ou sans émissions de CO2 – suffit-il d’en prendre l’habitude. L’essayer, c’est l’adopter, dit le slogan usé. Or, rappelons au ministre, et surtout, rappelons-nous que le débat sur l’énergie nucléaire n’a pas encore eu lieu. Que personne n’a été consulté. Que l’on peut toujours s’y opposer. De la même façon, lorsque La Presse annonce péremptoirement « Le retour du nucléaire » par la publication d’un vox pop de 9 abonné˙es au journal (7 hommes et 2 femmes), on est déjà dans la fabrication d’une tendance-mode-concept-vintage et non pas dans l’amorce d’un exercice démocratique informé et nécessaire. Les enjeux sont trop importants pour être laissés aux mains du gouvernement et de l’industrie dont les intérêts politiques et financiers de courtes vues sont indifférents à la santé des populations, à la protection des milieux naturels et à la crise climatique qui nous accable.

Hunter, 1961