25 août 2023

Expo 67

« Si la France et le Québec, comme on le sait, ont des liens étroits qui les unissent par le temps et l’histoire, c’est la Terre des Hommes qui enfin les place côte-à-côte aussi près. » (« Pavillon du Québec », Visite à l’Expo 67, Radio-Canada)

En juillet 1966, la France construit son ambitieux pavillon pour l’exposition universelle de 1967 abritant aujourd’hui le Casino de Montréal. Au même moment, malgré l’opposition d’une partie de la population locale et à l’encontre du Traité d’interdiction des essais nucléaires atmosphériques qu’il refuse en 1963 de signer, de Gaulle explose une première bombe atomique en Polynésie, le fenua Ma’ohi, territoire occupé militairement par la France. Le gouvernement français, indépendamment des États-Unis et de la Grande-Bretagne, entreprend le développement d’un arsenal nucléaire. Le Pavillon de la France, un « pays qui demeure à l’avant-garde de la civilisation occidental » selon une émission de télévision diffusée à Radio-Canada, est l’un des plus visités : « [o]rganisée autour du thème ‘Tradition et Invention’, la participation française est particulièrement révélatrice de son génie national et de sa contribution à l’épanouissement de la civilisation française dans le monde » (« Pavillon de la France », ibid).  

Un an plus tard, à l’été 1967, tandis que la reine du Royaume-Uni Elizabeth II visite l’Expo pour le centenaire du Canada dont elle est la souveraine, le Président-Général français entonne à Montréal un « Vive le Québec libre ! » remuant en surface une fièvre indépendantiste qui ne le concerne pas mais qu’il dénie pourtant à la population polynésienne dont les indépendantistes citent parfois en exemple le mouvement séparatiste québécois. Pendant qu’on célèbre, ici, le progrès et la paix nucléaire, la France transforme la Polynésie en champs d’essais nucléaires en y déployant jusqu’à 15 000 soldats en autant de kilomètres.

À l’Expo, au Pavillon du Québec, on exhibe à la suite royale des fusils et des canots d’écorce; les autochtones ont été engloutis sous le récit national officiel d’exploitation des ressources, de développement du territoire et d’urbanisation. Le Pavillon du Canada s’ouvre d’emblée sur une exposition d’art Indien indifférencié, présenté comme un folklore appartenant au passé proto-constitutionnel. Les deux pavillons vantent de concert les richesses minières du territoire. Pourtant, dans le mal nommé Pavillon des Indiens, répétant l’erreur géographique initiale du colonisateur Gênois Cristoforo Colombo se croyant en Inde, et que visite aussi la reine, des hôtes autochtones racontent l’histoire d’une même dépossession depuis l’arrivée des colonisateurs européens jusqu’aux gouvernements actuels et leurs pensionnats et écoles religieuses. Des mines d’uranium canadienne aux bombe françaises dans le Pacifique au projet de Québec nucléaire, un même projet de civilisation, une même colonisation. Bienvenue à l’ère nucléaire !

« When the moon is in the Seventh House / Lorsque la lune entrera dans la 7ème maison
And Jupiter aligns with Mars / Et que Jupiter s’alignera sur Mars
Then peace will guide the planets / La paix guidera alors les planètes
And love will steer the stars / Et l’amour conduira les étoiles

This is the dawning of the Age of Aquarius / C’est le début de l’ère du Verseau
The Age of Aquarius / L’ère du Verseau
Aquarius! Aquarius! / Verseau ! Verseau ! »

            – « Aquarius », Hair, 1967 (traduction libre)

« Visite d’Elizabeth II, reine d’Angleterre et du Prince Philip en compagnie du premier ministre du Québec, Daniel Johnson », Bibliothèque et archives nationales du Québec